Le
Service de Renseignement ALLIANCE
"Il s'agit sans doute du réseau de renseignement le plus connu après la Confrérie Notre-Dame grâce à Marie-Madeleine FOURCADE, qui s'appelait alors MERIC, qui fut à la fois son égérie et pendant plusieurs mois son chef. Le titre du récit qu'elle a tiré de l'histoire du réseau, "L'Arche de Noé", renvoie au nom que la police allemande lui avait attribué puisque ses membres se cachaient derrière des pseudonymes d'animaux. Considéré comme le plus important des réseaux dépendants de l’Intelligence Service (IS), revendiquant 3.000 membres, implanté d’abord en zone sud puis s’étendant dans les zones occupées et interdites à partir de 1942, Alliance concentre les traits les plus caractéristiques d’un type de Résistance qui se veut essentiellement nationale et militaire. Cette orientation tient à ses origines et à son recrutement."
Création et missions du service de renseignement Alliance :
"Le
réseau est né
de l’initiative du commandant Georges
LOUSTAUNAU-LACAU, officier
nationaliste, héros de la guerre de 1914,
spécialiste du
renseignement et exclu de l’armée en 1938 pour y
avoir
créé, sous le Front Populaire, un groupe
clandestin
anticommuniste, Corvignolles, proche un temps du Parti
Populaire
Français. Réintégré dans
l’armée à la déclaration de
guerre,
rejoignant le maréchal PETAIN (il avait
été membre
de son cabinet au ministère de la Guerre), nommé
délégué national à la
Légion
française des combattants, il se lance aussitôt
dans
l’action contre l’occupant, croyant, comme son ami
le
colonel GROUSSARD, que le régime nouveau
préparait la
revanche. Cherchant une aide extérieure, il
rédige un
appel à la « Croisade » à
destination de
Londres. En dépit de l’aide du capitaine FOURCAUD,
son
projet, critique à l’égard de la France
libre et
irréaliste dans ses demandes en moyens, est
repoussé par
le général de GAULLE. En revanche,
l’IS, en manque
de relais français, accepte de le soutenir.
La rencontre de Navarre
avec le commander
COHEN à Lisbonne, le 14 avril 1941, scelle la naissance
d’Alliance-Navarre un mois plus tard. Le réseau
appartient
donc au premier contingent de déçus du
pétainisme
passés à la Résistance.
L’une de ses forces
est de conserver des relais dans l’appareil militaire et
diplomatique du régime. La politique de l’amiral
DARLAN
met fin, pour eux comme pour d’autres (COCHET, GROUSSARD),
aux
illusions d’activités semi-légale
– le
commandant Léon FAYE, chargé
d’étendre le
réseau en Algérie, est
arrêté le 25 mai
1941, Navarre le 18 juillet ; leur procès se tient
à
Clermont-Ferrand le 15 octobre. Cependant, Alliance reste
implanté dans les milieux pétainistes. Il se
nourrit des
dissidences du régime, en témoigne la
création de
son sous-réseau Druides par l’encadrement des
Compagnons
de France en 1943. Devenu l’une des pièces
maîtresses de l’IS, le réseau est
utilisé par
les Britanniques pour s’entremettre avec le
général
GIRAUD. FAYE, qui a repris le combat aussitôt
libéré de prison en novembre 1941, se charge de
cette
liaison lorsqu’il part en mission à Londres en
août
1942. Alliance assure par ailleurs le départ du
général vers l’Algérie en
novembre 1942 et
devient dès lors l’un des
éléments de la
résistance giraudiste à laquelle il est
intégré officiellement en septembre 1943. Le
réseau ne rejoint le Bureau Central de Renseignements et
d’Action qu’au moment de la fusion entre les
services
d’Alger et ceux de Londres au printemps 1944.
Alors que Navarre,
condamné à deux ans de prison, puis
interné, est
finalement déporté par les Allemands, le
réseau
est dirigé par Marie-Madeleine
MERIC, Hérisson, et le
commandant FAYE, Aigle,
puis
Paul BERNARD, Martinet. Grâce aux moyens fournis par
l’IS,
son extension est considérable. Le nombre de ses
émetteurs passe de 5 en mai 1941 à 17 en juin
1944, ses
agents d’une centaine à près de 900. Il
bénéficie d’opérations
aériennes
dès la fin de 1941, puis de liaisons maritimes en Bretagne
et en
Méditerranée. Ses chefs peuvent se rendre en
Angleterre
à plusieurs reprises. Réseau à
vocation
principalement militaire, il recrute d’abord dans le milieu
qui
est celui de ses chefs, parmi les anciens de Corvignolles, dans
l’armée, chez les hauts fonctionnaires, les
cadres, les
professions libérales ou des juristes comme Me Joannès
AMBRE, René CAPITANT, Jacques DARRIBERT ou Joseph SAINT-GERMES.
Certains de ses membres, comme
l’avocat Louis JACQUINOT ou l’homme
d’affaires Jean
ROGER, Sainteny, responsable du secteur normand, feront
après
guerre une carrière politique de premier plan. Cette
sociologie,
classique dans le monde du renseignement, va de pair avec un ancrage
politique qui se tient fermement à droite.
Tout au long de
l’histoire du réseau, la répression
fait des
ravages dans ses rangs. La trahison de Jean-Paul LIEN est ainsi
responsable de la chute de 150 de ses membres à
l’automne
1943, dont le commandant FAYE à son retour de Londres. Une
partie d’entre eux est jugée par le Tribunal de
guerre du
Reich, au cours d’un procès spectaculaire
à
Fribourg-en-Brisgau le 28 juin 1944. Les condamnés
à mort
sont fusillés le 21 août ou, comme FAYE,
assassinés
plus tard. Le réseau compte au total 431 morts. Parmi les
derniers tombés, Georges
LAMARQUE, Pétrel,
le chef des Druides, pris le 8 septembre 1944 derrière les
lignes ennemies en Lorraine. Il sera fait Compagnon de la
Libération, comme Jean
SAINTENY, une distinction qui ne sera pas
attribuée aux chefs du réseau."
Par
Jean-Marie GUILLON (Dictionnaire historique de la
Résistance -
© Éditions Robert Laffont – collection
Bouquins - 2006)
* * *
À l'actif du réseau Alliance figurent les relevés des rampes de lancement des armes secrètes, les informations immédiates sur le mouvements des escadrilles, des navires de ravitaillement et des sous-marins dans l'Atlantique ainsi que la carte complète des installations allemandes sur les plages de Normandie. Ce réseau bénéficie d'une aide très importante des services secrets britanniques qui le reconnaisse comme la plus efficace centrale indépendante de renseignements en France occupée. Les informations sont collectées par des patrouilles de 2 à 3 hommes et transmises par diverses voies.
Le Général de GAULLE qualifiera ce réseau de "l'un des premiers et plus importants services de renseignement sous l'Occupation". Le dossier de liquidation du réseau, conservé au Service Historique de la Défense à Vincennes sous la cote 17 P 72 (DIMI) précise, outre la liste quasi-complète des agents du réseau, l'état suivant :
Mémorial du réseau Alliance de l'Association Amicale Alliance - 12,7Mo
"Comment naquirent les premiers réseaux de la Résistance" de Marie-Madeleine FOURCADE (Revue HISTORAMA N° 247 - juin 1972) - 1,9 Mo
Ce béarnais né à Pau le
17 avril 1894 est entré à Saint-Cyr en 1912 avant
d'être le condisciple de Charles de GAULLE à
l'École de
guerre. Il
appartient aux états-majors de WEYGAND et de LYAUTEY avant
de
devenir officier détaché à celui du
maréchal PETAIN entre 1934 et 1938 en succédant
à
de Gaulle au poste d’écrivain
d’État-major. Il est
l'initiateur en 1936 d'un service de renseignement anticommuniste dans
l'armée. Démis de ses fonctions par le
gouvernement
Daladier, présenté comme un «officier
d’aventure», il fonde l'Union
militaire française.
Homme politique d’extrême droite, il dirige le
périodique l’Ordre national qui publiera les plans
de
bataille allemands. Son nom apparaît surtout lors de
l’affaire de la Cagoule où il est le
fondateur du
réseau Corvignolle, organe de la Cagoule
militaire.
Il est réintégré en septembre 1939
puis
arrêté au front, le 22 mars 1940, sur ordre de
Daladier,
président du conseil, et enfermé à la
forteresse
de Mutzig près d’Obernai.
Libéré, au cours
de l'été et de l'automne 1940, avec quelques
appuis -dont
celui du colonel GROUSSARD, commandant en second de Saint-Cyr en 1940-
il poursuit à Vichy ses activités de
renseignement et
d'action souterraine. Il agit alors dans un sens tout à la
fois
antiallemand, anticommuniste et antigaulliste. Nommé en
septembre 1940 délégué
général de la
Légion française des combattants dont le
siège
était à l’hôtel des Sports
à Vichy, il
entreprend d'y recruter des agents qui établiront des
liaisons
avec les services anglais et fonde le réseau "Navarre" (son
nom
de plume) qui, devenu le réseau "Alliance", sera plus tard
dirigé par Marie-Madeleine
FOURCADE.
Xavier VALLAT le renvoie de la légion en novembre 1940.
Passé en Afrique du Nord, il est arrêté
pour
dissidence par le général WEYGAND en mai 1941.
Évadé, il reprend le maquis en France.
Arrêté,
livré à la Gestapo, il est
déporté en
juillet 1943 au camp de Mauthausen.
Après la guerre il entame un
nouvelle carrière politique et est élu le 17 juin
1951 député
des Pyrénées atlantiques (groupe des
Français
Indépendants). Il meurt à Paris le 11
février 1955.
Par Jean-Paul COINTET
(Dictionnaire historique de la France sous
l'occupation - Editions Taillandier)
Voir également les sites de M.E.R. & de l'Assemblée nationale
"Née le 8 novembre 1909 à Marseille,
Marie-Madeleine
BRIDOU est élevée dans des institutions
religieuses. En
1937, elle
est secrétaire générale des
publications anticommunistes "L'ordre national" dirigées par
le commandant Georges
LOUSTAUNAU-LACAU. C’est de ce saint-cyrien
qu’elle
recueille la charge du réseau Alliance dont elle
fait, au service de l’Intelligence Service britannique,
l’Arche de Noé, forte de trois mille agents dont
quatre
cent trente-huit
mourront pour la France tels Alfred JASSAUD, le Bison de
"L’Armée des ombres" qui avait dit :
"La victoire, c’est le sacrifice". Issue de la grande
bourgeoisie, l’ancienne responsable du périodique
L’Ordre national s’aperçut vite que trop
de ses
anciennes relations rêvaient de
"tâches de rénovation en commun" avec les
occupants nazis.
À Vichy, elle fut envahie par
"une douleur pétrie d’humiliation et de rage
impuissante".
Chef d’état-major clandestin de
LoustaUnau-Lacau qu’elle
remplace après son arrestation, elle ne remet jamais en
cause le principe d’une affiliation directe
"aux Anglais qui seuls conduisaient la guerre", et ce n’est
qu’en avril 1944 que le S. R. Alliance
est intégré aux services spéciaux de
la France combattante. Les femmes et les hommes d’Alliance
veulent livrer un "combat sans idole", complémentaire de
l’action nationale du général de
Gaulle,
mais ils sont plus dans la ligne du général
Giraud
qu’ils
aident à quitter la France. Les questions de
souveraineté
nationale
ne sont pas du ressort de ces techniciens du renseignement dont le
premier chef avait soutenu que plus il y aurait de mouvements
parallèles, plus la France libre serait forte.
Lorsqu’elle
devient gaulliste à part entière,
Marie-Madeleine Fourcade
est amenée à regretter ces "barrières
absurdes" et le tournoi entre Français
"pour conquérir l’honneur
d’être les plus forts face à
l’adversité".
Le S.R. Alliance organise le quadrillage en secteurs de la zone non
occupée pour recueillir des informations, faire tourner des
courriers, organiser le passage d’hommes et de renseignements
tant à travers la ligne de démarcation
qu’à
travers la frontière espagnole. Le cœur du
réseau
est la centrale de renseignements où s’analysent
les
données recueillies et se
préparent les missions en fonction des demandes
britanniques.
Opérationnelle à Pau au début de 1941,
elle
fonctionne ensuite à Marseille puis à Toulouse
avec un
P.C., un point de chute, des points d’hébergement
et de
filtrage. Les six personnes du noyau de base de juin 1940 se
retrouvent plus de cinquante dès la Noël de 1940.
"Unis
dans l’allégresse d’une confiance
inébranlable", ils sont les recruteurs de près de
trois
mille agents. L’improvisation due à la
défaite
oblige à "n’utiliser que des volontaires, parfois
plus
turbulents qu’efficaces", mais la conception des noyaux
– une source, une boîte aux lettres, un
transmetteur,
un radio pour les urgences
- donne des résultats très positifs,
même si les
insuffisances du cloisonnement
facilitent la répression.
À l’automne de 1941, le réseau de
Marie-Madeleine Fourcade,
ce sont six émetteurs radio qui transmettent à
Londres et
l’esquisse d’une aérospatiale
clandestine par avions
lysanders.
Ce sont les agents de liaison qui sont chargés des services
les
plus ingrats :
"des milliers de kilomètres par voie ferrée, des
attentes
interminables aux rendez-vous, des transports à
vélo
incessants de plis et de matériel
compromettants".
Dévouement et sens de l’organisation donnent des résultats. Les renseignements s’ordonnent par secteurs : air, mer, terre, industries, résultats de bombardements, transports en cours d’opération, psychologique et politique. Les indications sur les U-Boot présents en Méditerranée, sur ceux des bases de Lorient et de Saint-Nazaire servent à la guerre anti-sous-marine conduite par les Alliés pour protéger les convois de l’Atlantique. D’autres renseignements facilitent l’interception des renforts italiens envoyés à Rommel, permettent la connaissance précise des travaux de l’organisation Todt pour le mur de l’Atlantique et la mise au point d’une carte renseignée détaillée pour la zone du débarquement en Normandie (elle faisait 17 mètres de longueur !). Tous les auteurs de cette carte tombent ensuite aux mains de la police allemande, Gibet dans le langage codé du réseau. Ils sont massacrés à la prison de Caen, le 7 juin 1944. Le premier des quatre cent trente-huit martyrs du réseau est Henri Schaerrer, fusillé le 13 novembre 1941 pour avoir livré de précieux renseignements sur les sous-marins allemands. L’Abwehr, la Gestapo et la police française provoquent des hécatombes à l’automne 1943 : plus de trois cents arrestations paralysant cinq centres émetteurs. Le réseau paye un lourd tribut d’arrestations, de déportations, de morts.
Malgré la peur et le chagrin, l’Alliance
– Arche de Noé dont tous les membres
portaient des
noms d’animaux – se
resserre autour de Marie-Madeleine Fourcade,
alias Hérisson. Des opérations en lysanders et en
sous-marins, des émissions de radio
manifestent que le réseau continue. Après
trente-deux mois de clandestinité, Hérisson
connaît Londres, où elle s’irrite des
"antagonismes criminellement puérils des services
secrets" et perçoit que ses camarades ne sont que "la chair
à canon du
Renseignement". Soixante-quinze agents principaux, huit cents
secondaires, dix-sept postes
travaillent en juin 1944.
C’est une des raisons qui la fait revenir sur le terrain, en
Provence, avant le débarquement d’août
1944 et qui
l’incite à poursuivre des missions dans
l’Est
après la libération de Paris.
La victoire de 1945 permet de découvrir des charniers
d’agents, et Hérisson
plonge dans un "abîme de douleur" pour établir le
sacrifice de quatre cent trente-huit des siens, du benjamin Robert
Babaz
(20 ans) à la doyenne Marguerite
Job
(70 ans) et au doyen quasi octogénaire, Albert
Legris,
ou à des familles entières, tels le
père et les trois fils
Chanliau,
agriculteurs. Pour Marie-Madeleine
Fourcade,
les survivants sont la priorité absolue. Elle
contribue à arracher un statut pour les veuves et les
orphelins ; en 1948, on en
compte dix-huit mille dépendant du comité des
œuvres sociales de la Résistance.
Elle fait homologuer les trois mille membres de son réseau et les actions de ses héros qui ont lutté dans l’ombre, librement disciplinés, "l’imperméable pour uniforme".
Elle continue à travailler pour l’Intelligence
Service
qu’elle avertit de menées communistes en
1946-1947. Elle
se
lance surtout dans l’aventure gaulliste, animant pour le
R.P.F.
la campagne du timbre. Après le retour du
général
de
Gaulle,
elle
intègre la convention républicaine dans
l’Union
pour la Nouvelle République et
siége au comité central de l’U.N.R.
Elle est
l’une des représentantes R.P.R. à
l’Assemblée des Communautés
européennes en
1981-1982 et préside la Défense des
intérêts
de la France en Europe.
Présidente du Comité d’Action de la
Résistance à partir de 1963, Marie-Madeleine
Fourcade
fédère dans ce comité une cinquantaine
d’associations ou d’amicales d’anciens
résistants. Elle
contribue à éclairer la
réalité du nazisme
et du génocide juif. C’est dans cette perspective
qu’elle
est, en 1987, témoin à charge au
procès Barbie.
Elle y
fait preuve de la même vigueur que dans ses luttes
passées
et dans le récit des activités de son
réseau paru
chez Fayard, en 1968, sous le titre
"L’Arche de Noé".
Marie-Madeleine
Fourcade
a lutté jusqu’au bout, en militante, notamment
pour une
solution pacifique de la crise libanaise. Elle est morte le
20 juillet 1989. Première femme dont les
obsèques
ont eu lieu en l’église
Saint-Louis-des-Invalides, à Paris, où son corps,
porté par des soldats du contingent, fut salué
par les
tambours de la garde républicaine, Marie-Madeleine
Fourcade
a ainsi
reçu un hommage exceptionnel. Au-delà de
l’affliction personnelle exprimée par le
Président de la République, la
présence aux
Invalides de toutes les tendances de la Résistance a
marqué qu’elle restait un emblème
unificateur de
l’Armée des ombres, fidèle au message
du commandant
Faye, son compagnon supplicié : chassez les
bourreaux,
servez la France
"pour y faire revenir la paix, le bonheur, les chansons, les fleurs et
les auberges
fleuries".
Par
Charles-Louis FOULON (Encyclopaedia
Universalis)
"Georges Lamarque est né le 1er novembre 1914 à Albertville. Son père qu'il n'a pas connu, agrégé de philosophie et normalien, est mort pour la France au cours de la bataille de la Marne en septembre 1914. Élève brillant du Lycée Henri IV à Paris, Georges Lamarque entre à l'École Normale Supérieure et en sort agrégé de mathématiques en 1938.
Mobilisé en 1939 en qualité d'officier de D.C.A., il est blessé sur la Loire au cours de la retraite de 1940 et décoré de la Croix de Guerre. N'acceptant pas l'armistice, il milite dès le mois de juillet 1940 dans le service radio-électrique du réseau "Étoile" qui est rapidement décimé. Démobilisé, il est détaché par le Ministère de l'Éducation Nationale au Ministère de la Jeunesse et accepte un poste de chargé de mission au sein du Centre National des Compagnons de France dont il devient au bout de deux ans Inspecteur Général.
De son poste de commandement, installé au château de Crépieux-la-Pape dont il a fait un collège d'enseignement technique, il met en place un vaste réseau d'information couvrant la zone sud destiné à contrecarrer la propagande allemande. Il entre en 1942 au réseau "Alliance". Sous le nom de "Petrel", il est d'abord chargé des questions de liaisons radio et doit étudier l'implantation sur tout le territoire des postes émetteurs que reçoit le réseau par parachutage, renforcer les centrales existantes ou en créer d'autres avec de nouveaux opérateurs.
Au début de 1943, il est spécialement chargé de la création du sous-réseau "Druides" qui recrute notamment parmi les Compagnons de France y compris après la dissolution de cet organisme par le gouvernement de Vichy pour "menées antinationales". Il forme des agents et des cadres pour les Forces Françaises Combattantes et adresses de très nombreux rapports d'espionnage à Londres. Bien que recherché par la Gestapo, il sillonne la France dans les tous les sens pendant de longs mois. Il occupe notamment le château de la pape à Rillieux La Pape (69), transformé en poste de commandement où il enseigne à des apprentis les moyens techniques de contrecarrer la propagande allemande.
Dans la nuit du 15 au 16 juin 1943, il décolle clandestinement du terrain de Bouillancy près de Paris à destination de l'Angleterre, car le War Office britannique, impressionné par la qualité de ses rapports sur l'implantation des défenses de l'ennemi, a demandé sa venue à Londres afin qu'il puisse prendre contact avec des spécialistes et acquérir de nouvelles techniques.
De retour en France, sur le même terrain d'aviation, dans la nuit du 17 au 18 juillet, il reprend ses activités de renseignement immédiatement. Le mois suivant, "Petrel" adresse à Londres un rapport, d'une importance telle qu'il remonte jusqu'à Churchill, concernant les nouvelles armes allemandes V1 et V2 dont les Alliés, jusque là, ignorent quasiment tout. À la veille de la libération de Paris, il considère comme son devoir de poursuivre le combat contre l'envahisseur et part à bicyclette, accompagnant les Allemands dans leur retraite, derrière les lignes ennemies pour renseigner les armées alliées. Accompagné de son radio, Clément Defer alias "Alouette", il s'installe à Luzé en Haute-Saône dès le 19 août 1944. Il transmet de nombreux rapports radio depuis la maison vide d'un sympathisant et réussit plusieurs liaisons avec le groupe de Marie-Madeleine Fourcade installé près de Verdun. Il réclame à plusieurs reprises des parachutages d'armes pour la résistance locale.
Le 8 septembre 1944, alors qu'il vient d'être rejoint par un de ses adjoints, Louis de Clercq dit "Bazin", le village est investi par les supplétifs de l'armée Vlassov, rejoints par un groupe du SD de Belfort. Détectés par la radiogoniométrie allemande, Georges Lamarque et ses deux camarades, refusant de fuir pour éviter des représailles sur la population civile, se rendent aux nazis le jour même à 15 heures ; en seule réponse à leur courage, ils sont interrogés brutalement et fusillés à 20 heures 30 dans un champ voisin puis inhumés dans une fosse commune. En représailles, le pâté de maisons qui les abritait est incendié. La police allemande donne juste le temps aux malheureux habitants de prendre quelques effets et de sauver le bétail. À Londres, on s'étonne au bureau des opérations aériennes : «Nos avions ont tourné la nuit dernière au-dessus du terrain signalé par Pétrel et n'ont vu que des villages en flammes. Le parachutage n'a pu avoir lieu».
Georges Lamarque, nommé commandant à titre posthume, a, dans un premier temps, été inhumé au cimetière de Luzé puis, à la demande de sa mère, dans le cimetière de Bassens en Haute-Savoie.
Il a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur, Compagnon de la Libération par décret du 7 août 1945 ; il a été décoré de la croix de Guerre 39/45 et médaillé de la Résistance."
Par Vladimir TROUPLIN (Musée de l'Ordre de la Libération)
"Jean ROGER est né le 29 mai 1907 au
Vésinet dans les
Yvelines. Après des études aux lycées
Condorcet et
Janson de Sailly à Paris, il entre tôt dans les
affaires
et, dès 1929, fait connaissance avec l'Indochine
où il
séjourne près de trois ans, travaillant dans le
secteur
bancaire. De retour en France en 1932, il fonde une affaire dans la
banque et les assurances qui ne cesse de se développer
jusqu'à la guerre. Mobilisé en 1939 dans
l'armée
de terre, il se porte volontaire pour un stage d'observateur en avion.
Après l'armistice, démobilisé, il se
range du
côté de ceux qui veulent continuer la lutte.
Dès
l'automne 1940, il commence à grouper autour de lui, dans le
Cotentin, des éléments résolus
à
résister à l'occupation. Il recueille ainsi peu
à
peu des renseignements de grande importance sur l'état et
l'organisation des défenses allemandes.
Il est par ailleurs, à partir d'octobre 1940, en contact
avec le
fondateur du réseau de renseignements "Alliance", Georges
LOUSTAUNAU-LACAU (alias Navarre).
Jean ROGER, devenu Jean SAINTENY, est arrêté une
première fois par la Wehrmacht en septembre 1941
à
Colleville-sur-Mer. Incarcéré à Caen
et traduit en
cour martiale, il est relâché faute de preuves un
mois
plus tard. Il poursuit son activité, effectuant des missions
de
liaison en zone sud et franchit 13 fois la ligne de
démarcation
clandestinement.
Au début de 1942, il met définitivement son
réseau
normand au service d'Alliance, dans lequel il fait entrer son
beau-frère Michel FOURQUET. Il organise par ailleurs,
l'évasion de la prison de Gannat de Claude HETTIER DE
BOISLAMBERT et Antoine BISSAGNET en décembre 1942 et
facilite le
départ de nombreux volontaires pour les Forces
françaises
libres. SAINTENY prend bientôt en main toute la Normandie
pour le
compte d'Alliance puis la région nord-est de la France.
Démasqué en 1943, il est
arrêté par la
Gestapo le 16 septembre mais réussi a lui
échapper deux
heures plus tard ; il doit alors vivre dans la clandestinité
la
plus absolue. En mars 1944, suivi de très près
par la
Gestapo, "Dragon" - alias Jean SAINTENY - gagne l'Angleterre
par
Lysander depuis la région d'Angers. Mais l'arrestation les
16 et
17 mars de nombreux agents et du chef d'Alliance, Paul BERNARD,
entraîne son retour imprévu en France au bout de
trois
semaines, malgré les risques encourus.
Il parvient alors à réorganiser le
réseau décimé par de
récentes arrestations.
Le 7 juin 1944, trahi, il est arrêté avec un
camarade
à Paris par la Gestapo après une poursuite
mouvementée en voiture. Interrogé par la Gestapo
rue des
Saussaies, il est torturé à un tel point qu'il
est
envoyé dans un état critique à
l'Hôpital de
la Pitié. Miraculeusement guéri, il n'en a pas
encore
fini avec la Gestapo qui le transfère à nouveau
rue des
Saussaies pour des interrogatoires complémentaires. Se
sachant
condamné à une mort certaine, dans la nuit du 4
au 5
juillet 1944, il réussit à s'évader en
sciant un
des barreaux de sa fenêtre, grâce à la
complicité d'un de ses geôliers. Il quitte Paris,
traverse
les lignes et arrive au Mans, le 16 août, à
l'Etat-major
de la 3e Armée américaine du
général
PATTON. Chargé de mission par celui-ci, il retourne
à
Paris le 19 août et rapporte deux jours plus tard au
général américain des renseignements
précieux sur la capitale.
Ensuite, volontaire pour l'Indochine, il prend, en mars 1945, la
direction de la mission militaire française à
Kunming ;
il est ainsi le premier officier français à
reprendre
pied à Hanoï après l'effondrement
japonais.
Nommé Commissaire de la République pour le Tonkin
et le
Nord Annam en octobre 1945, l'agitation révolutionnaire
annamite
est à son comble quand Jean Sainteny avec une
poignée de
compagnons s'installe au Palais du Gouvernement
général.
Il réussit à négocier avec HO CHI MINH
les accords
du 6 mars 1946 qui permettent au général LECLERC
d'entrer
à Hanoï sans combattre.
Jean SAINTENY rentre en France en avril 1946 pour y préparer
le
séjour de HO CHI MINH, invité officiel du
Gouvernement
français à la conférence de
Fontainebleau qui doit
définir la position du Vietnam dans l'Union
Française. Lorsque éclatent
les troubles d'Haïphong en novembre 1946,
Jean SAINTENY est dépêché à
Hanoï par
le Gouvernement français. Arrivé seulement le 6
décembre, le 19 il est laissé pour mort dans les
combats
de rue survenus au cours des événements sanglants
qui
marquent le début de la guerre d'Indochine.
Grièvement
blessé, il assume de nouveau cependant, quelques jours plus
tard, ses fonctions et reprend officiellement possession du Palais du
Gouvernement.
En mars 1947, il est rappelé à Paris pour
assister le
gouvernement au cours des débats sur les affaires
d'Indochine.
Prévoyant les suites inévitables de l'engrenage
indochinois, il demande et obtient, en décembre 1947, sa
mise en
disponibilité. Dès lors, il occupe les fonctions
de
gouverneur des Colonies. En 1954 il est rappelé en
activité et nommé
délégué
général de France au Nord-Vietnam.
En 1958 il rentre en France et devient un des leaders de l'Association
nationale pour le soutien de l'action du général
de
GAULLE. La même année, il est nommé
membre du
Conseil de l'Ordre de la Libération. De 1959 à
1962, il
est Commissaire général au Tourisme. Elu
député de Paris, il entre au Gouvernement
Pompidou en
qualité de Ministre des Anciens Combattants et Victimes de
Guerre (décembre 1962-janvier 1966). En 1967 il publie
Histoire
d'une paix manquée relatant les troubles d'Haiphong en 1946
et
ses souvenirs d'Indochine. Membre du conseil d'administration d'Air
France (1967-1972), il est également président du
conseil
d'administration de l'Office général de l'Air
à
partir de 1969. De mars 1968 à mars 1977, il est membre du
Conseil constitutionnel. A partir de 1969, continuant à
s'intéresser aux affaires vietnamiennes, il met en contact
le
Président NIXON et Henry KISSINGER avec les Nord-vietnamiens
pour organiser les négociations secrètes qui
doivent
mettre un terme à la guerre du Vietnam.
Jean SAINTENY est décédé subitement le
25
février 1978 à Paris. Ses obsèques se
sont
déroulés en l'Église Saint-Louis des
Invalides à
Paris. Il a été inhumé à
Aignerville dans
le Calvados.
Il était Grand Officier de la Légion d'Honneur,
Compagnon
de la Libération par décret du 22
décembre 1945,
titulaire de la Médaille Coloniale avec agrafe
"Extrême-Orient", de la
Croix
de Guerre 39/45 (4 citations) et de la Croix de Guerre des TOE ainsi
que médaillé de la Résistance avec
rosette."
Par
Vladimir TROUPLIN
(Musée de l'Ordre de la Libération)